La salle attend. Tout ce qui se sait, c'est qu'Ann Teresa va danser trois quarts d'heure sur les vibratos angéliques de Joan Baes, icône féminine à guitare des seventies.
Le décor est on ne peut plus sobre en cette salle récemment rénovée du 164 avenue Jean Van Volksem : odeur de bois neuf, scène de 15 cm de hauteur, grand écran noir, murs bleu marine, un tourne-disque. Et c'est parti pour l'alchimie minimaliste une voix, une danseuse. Magique.
C'est cette magie-là, bordée de rigueur, qui a animé toute la carrière de cette danseuse. En effet, éternelle passionnée, elle illustre la danseuse accomplie dans tout ce qu'il y a de plus productif en ce milieu : formation classique, découverte de la danse contemporaine à 17 ans. Elle est formée à travers l'Europe, fonde sa compagnie "Rosas" en 1981 à l'âge de 27 ans et son école, "P.A.R.T.S" Avenue Jean Van Volksem en 1995.
Cette école accueille chaque année 30 élèves venus des 4 coins du monde sur base d'une sélection serrée. En effet, la préselection où s'affrontent en moyenne 160 candidats dure quatre jours et la sélection finale deux.
L'année passée encore, le nombre d'élèves s'élevait à 45. Mais le prestige de l'école grandissant, l'attention accordée à chaque élève a augmenté, d'où la diminution du nombre d'entrées pour cette formation spartiate.
C'est ainsi qu'un élève du Mozambique côtoie un Portugais. D'ailleurs, dans l'exposition "Rosas XX", on peut visionner une vidéo où chacun des élèves s'exprime sur sa motivation à traverser les océans pour l'aura charismatique d'Ann Teresa. Mais cette exposition c'est aussi une biographie. En effet, celle-ci relate le chemin fascinant parcouru dans le domaine des arts, de la scène depuis 1982, en même temps que l'histoire de l'émancipation de la danse contemporaine dans notre pays et ailleurs.
Cela dit, Rosas XX ne peut et ne désire en aucun cas se substituer à l'expérience certes évasive d'une représentation de Rosas, mais veut plutôt offrir au visiteur l'occasion de découvrir ce qui demeure en tant que matériau archivé, ce qui survit de l'intense travail en studio de danse. De plus le tout est contextualisé par les oeuvres de Juan Munos, Henri Michaux, Albert Giacometti entre autres.
Ainsi, on peut comprendre les racines artistiques, l'importance de la musique et le langage gestuel (aussi emprunté au langage des signes) de Rosas.
En somme, ce mois-ci la danseuse étoile de la culture est la danse contemporaine. Tout est en place pour déguster un art qui a commencé avec le retrait du corset chez la femme, à l'image d'Ann Teresa qui enlève sa petite culotte en pleine représentation pour danser plus libre encore. Libre de cultiver son individualité, devise sine qua non de l'art contemporain.
Aveline Pete, 20 décembre 2002
Exposition Rosas XX : Palais des Beaux-Arts, 1000 Bruxelles, du 15.11.02 au 5.1.03, Info : 02/507.83.21. Ann Teresa de Keersmaeker danse en solo à P.A.R.T.S : 164, avenue Jean Van Volksem - 1060 Bruxelles, du 15.11.02 au 21.11.02, Info : 02/534.43.45